Bail commercial

Loyer binaire et renouvellement, la force du contrat

Auteur : GUEDJ Jean-David
Publié le : 03/12/2020 03 décembre déc. 12 2020

Le très célèbre et fameux arrêt de l’histoire des loyers binaires, celui du 10 mai 1993 dit du « Théâtre Saint Georges » (C. Cass, Ch. civ 3, 10 mars 1993, n°91-13.418) a précisé que la fixation du loyer de renouvellement échappait au statut des baux commerciaux et n’était régie que par la convention des parties.
Pour sortir de l’impasse, les bailleurs institutionnels, toujours inventifs, ont alors imaginé, en cas de désaccord des parties, une méthode de revalorisation du loyer de base

Une clause expresse a donc été ajoutée dans les baux, pour donner compétence au juge des loyers de fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

La cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 juin 2020 (CA Paris, Pôle 5 – chambre 3, 3 juin 2020, n°18/20160) vient de statuer de manière décisive en matière de fixation de loyer binaire dans un centre commercial.

Un preneur sollicitait un abattement de 5 % du loyer tel que fixé par l’expert, du fait que le loyer comportait une partie proportionnelle au chiffre d’affaires du preneur, égale à 7,5 % de ce chiffre d’affaires selon le contrat de bail.

Le juge avait estimé « qu’il convient d’appliquer un abattement du chef de l’obligation contractuelle de payer un loyer variable additionnel, y compris si celui-ci n’est jamais payé » (TGI de CRETEIL le 27 juin 2018, n°15/00009).

En pratique, il est vrai que le loyer minimum garanti est si élevé que le loyer variable additionnel n’est pratiquement jamais atteint….

Le juge de première instance visait expressément l’arrêt essentiel du 3 novembre 2016 (Cass, 3ème, 3 novembre 2016, n°15-16.827), qui rappelle que « même pour les baux des centres commerciaux, le juge statue « selon les critères de l’article L145-33 » et doit prendre en compte les « obligations respectives des parties », qui justifient un abattement sur la valeur locative dès lors qu’une charge pèse sur le preneur qui impose d’être compensée ».

Saisie par le Bailleur, la cour d’appel est venue préciser dans l’arrêt du 3 juin 2020 que :

« Les parties n’ont par conséquent pas convenu de se référer à l’article L 145-33 du code de commerce, lequel n’est pas d’ordre public ; de sorte que son alinéa 3 aux termes duquel la valeur locative est déterminée d’après les obligations respectives des parties, n’est pas applicable, et pas davantage les dispositions qui en découlent de l’article R145-8 du code de commerce.

Il s’ensuit qu’il ne peut pas être pratiqué un abattement au titre de la part variable du loyer ».  L’apport de l’arrêt est clair pour les experts : lorsque le contrat de bail ne prévoit pas de se référer à l’article L. 145-33 précité, il n’y a pas lieu d’appliquer d’abattement au titre de la part variable du loyer.
Voilà qui devrait mettre fin à près de trente ans de débats sur la question.


Cet article n'engage que son auteur.
 

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